Chers frères et sœurs,
Alors que le mois de mai poursuit son chemin avec Marie, mois qui lui est consacré avec la fête de l’Annonciation du 31 mai, je rentre d’un pèlerinage au sanctuaire marial de Medjugorje. Ne me demandez rien sur les voyants, je ne les ai ni vus ni entendus. L’Église d’ailleurs n’encourage pas à une dévotion humaine vis-à-vis de ces frères et sœurs qui, reconnaissons-le, doivent assumer dans toute leur vie cette situation de voyants, attestés ou pas.
Depuis quelques années, le Vatican encourage les pèlerinages paroissiaux et diocésains. Ainsi toujours à l’affut de nouvelles idées pour aider mes contemporains et moi-même à nous convertir, me voilà parti dans un lieu de pèlerinage qui, depuis 1981 a vu passer plus de 50 millions de pèlerins, qui viennent au cœur de nulle part : Une Nazareth en Europe de l’est.
Au moment de ce que l’on décrit comme des apparitions de Marie, le bourg de Medjugorje n’est à l’époque qu’un trou entre des montagnes arrondies, où l’on cultive le tabac dans des conditions très rudes et modestes. Que vient-on chercher dans ce lieu, si loin des stations touristiques de Croatie ? Certains parleraient d’un tourisme spirituel où l’extraordinaire pourrait se transformer en fonds de commerce pour les habitants et les franciscains qui dirigent la paroisse. En quelque sorte un nouveau Lourdes où les cousins Soubirous comprirent vite leur intérêt. Mais ici, ni basiliques puissantes, que j’affectionne, et ni réseaux hôteliers à l’organisation millimétrée et efficace n’impressionnent. Certes, les magasins de souvenirs sont nombreux et les restaurants réconfortent les pèlerins tout comme des pensions de famille ou les hôtels familiaux permettent aux pèlerins de s’arrêter quelques jours.
Le sanctuaire, qui est paroissial, est composé d’une église d’une simplicité extrême, d’une esplanade avec un podium vieux d’au moins 3O ans et d’une grande salle, type salle de sport des années 50 pour accueillir 1000 personnes en cas de pluies. Ce qui fait le charme de ce lieu ce sont les montagnes des « apparitions » qu’il faut monter pas à pas entre les cailloux qui roulent et qui vous menacent d’une mauvaise chute presque à chaque pied posé sur un chemin escarpé et rude, à l’image de nos vies que Dieu, par Notre Dame, vient rejoindre de façon étonnante. Il se passe quelque chose ici, un je ne sais quoi d’une rencontre entre le Seigneur et notre âme qui vient vivifier tout notre être. Prêchant des retraites, je ressens les mêmes fruits de ces moments passés en offrant une semaine au Seigneur dans le silence et la méditation.
Ici, le silence arrive chaque soir à 17 h 45 pendant quelques minutes, les milliers de pèlerins chaque jour réunis pour 3 heures de prières se taisent et font silence car c’est l’heure de la « vision » à 3 des voyants ; mais le plus extraordinaire c’est la ferveur de ce peuple libre rassemblés pour mieux rencontrer le Seigneur. À 17 h commence le chapelet médité et traduit dans de nombreuses langues, puis à 18 h débute la messe, simple, belle, sans déploiement extraordinaire et tellement recueillie, puis à 19 h arrive le temps de l’Adoration, 1 heure dans un silence inspirant alternant avec des chants locaux ou de Taizé, animés avec une guitare et un violon : sublime. Bien sûr, tout cela touche nos cordes sensibles, mais c’est tellement simple, beau et bon : Le peuple, moi y compris, à genoux, (enfin pas exactement pour moi en raison d’une amputation passée) je suis à genoux dans mon cœur et en communion tellement incroyable avec tout ce peuple de croyants tellement disparate ; entre les Américains du nord, toujours sérieux, et leurs tee-shirts singuliers, les Bosniaques sortis d’un film de Audiard, la joie des Africains et des Antillais, les imperturbables Coréens, les Ukrainiennes venues supplier pour leurs hommes, les Polonais et les Italiens réunis par leur capacité bruyante à exprimer leur foi, et les Français au cartésianisme légendaire, regardant de tous côtés comme joyeusement affolés mais se laissant toucher par une étonnante joie fervente qui fait tomber toutes certitudes et entrer dans une analyse logique qui finira par un abandon joyeux, tellement heureux de partager la foi de tout un peuple rassemblé pour prier et seulement pour prier, une équation simple et porteuse d’un résultat des plus scientifiques : « Quand deux ou trois sont rassemblées en mon Nom, je suis là au milieu d’eux ».
Alors que se passe-t-il dans la paroisse de Medjugorje ? Rien d’extraordinaire, simplement de nombreuses conversions du cœur, de nombreuses grâces de paix et de miséricorde. Il faut être confesseur en ce lieu pour être bouleversé par l’expression sans filtre du péché qui, parle sacrement du pardon, relève et redonne vie. Car j’oubliais de vous parler des confessions, vous n’en saurez pas plus, secret secret, mais ces files de chrétiens qui peuvent attendre des heures pour rencontrer un prêtre, c’est incroyable mais vrai. On est loin de mon confessionnal vide, tellement vacant que je pourrais le transformer en bibliothèque des livres lus en attendant le pénitent. Dans toutes les langues on vous attend pour vous offrir la miséricorde du Seigneur. Il faut le vivre pour le croire. Après deux heures de confessions, on sort du ring comme vidé physiquement mais tellement heureux d’avoir vu de ses yeux vu la miséricorde de Dieu en action qui met un uppercut au péché. Quel bonheur, quelle joie !
Cette terre est une terre de martyre. A quelques kilomètres dans le monastère de Široki Brijeg, arrêtez-vous, pour faire mémoire de 66 franciscains assassinés par les communistes juste après la guerre 39/45. Le dictateur Tito avait décidé d’éradiquer les catholiques en commençant par leurs pasteurs. Douze d’entre eux seront exécutés d’une balle dans la tête après avoir refusé de renier leur foi. Surprenante histoire. Alors que les 11 premiers sont regroupés dehors, on arrache de son lit un frère grabataire et, après lui avoir liés les mains on l’amène avec les autres frères. On lui dit que s’il retire son habit de franciscain et s’il marche sur la croix il aura la vie sauve. Il demande alors une croix, il l’embrasse et dit « Mon Dieu et mon tout », ses compagnons feront de même, il leur donne l’absolution et ils sont exécutés sur le champ.
Cette terre des martyrs donnera un nombre de vocations incroyable qui se poursuit encore aujourd’hui et une ferveur étonnante car 80% des catholiques de cette région vont à la messe tous les dimanches, encore actuellement. On est loin des 2 % de la « Fille ainée de l’Église ».
Cette expérience de pèlerin nous invite à plus d’humilité en redoublant d’ardeur dans la prière, la pratique de la messe et de l’Adoration, dans la confession et la lecture de la Bible. Un programme simple et fécond qui saura être animé en communion avec tous nos saints et martyres locaux. Redoublons d’ardeur à prier Notre Dame par le chapelet car comme le rappelle saint Louis-Marie Grignion de Montfort « À Jésus Par Marie » ; Une invitation aussi à fréquenter tous nos sanctuaires locaux en l’honneur de la Vierge Marie. Nous participerons ainsi à ré évangéliser la culture populaire de la dévotion mariale qui permettra à de nombreux contemporains de revenir sur le chemin du Christ et de l’Église. En d’autres termes : vivre un pèlerinage au quotidien.
Bien fraternellement, Père Nicolas Guillou +