Messe en mémoire du pape François

Cathédrale Saint-Pierre de Rennes

Le mercredi 23 avril 2025

Homélie de Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes

Chers amis,

Nous le comprenons aisément en entendant la Première Lecture. Nous voyons Pierre est avec Jean, et parle à l’homme vulnérable, à l’homme fatigué, à l’homme qui n’arrive pas à marcher, à l’homme qui mendie. Il lui dit : « Ce que j’ai, je te le donne : Au nom de Jésus-Christ, lève-toi. » (Actes 3,6)

Voilà ce qu’est le ministère du successeur de saint Pierre : proclamer à temps et à contretemps pour tout homme blessé par la vie d’une manière ou d’une autre : « Ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus-Christ, lève-toi. »

Le pape François, le Successeur de l’Apôtre Pierre, qui a accompli ce ministère pendant ces 12 dernières années, ne l’oublions pas, était un « compagnon de Jésus ». En entrant chez les Jésuites, il a décidé, par appel de Dieu, de vivre ce compagnonnage avec Jésus.

L’amitié avec Jésus

Il nous parle de ce compagnonnage comme d’une amitié.

« L’amitié avec Jésus est indéfectible. Il ne s’en va jamais, même si parfois il semble être silencieux. Quand nous en avons besoin, il se laisse rencontrer par nous (cf. Jérémie 29,14) et il est à nos côtés, où que nous allions (cf. Josué 1,9). Car il ne rompt jamais une alliance. » (Christus vivit, n. 154)

Cette amitié conduit à la prière : « Nous parlons avec l’ami, nous partageons les choses les plus secrètes. Avec Jésus aussi, nous parlons. La prière est un défi et une aventure. Et quelle aventure ! Elle permet que nous le connaissions mieux chaque jour, que nous entrions dans sa profondeur et que nous grandissions dans une union plus forte. […] Il est ainsi possible de faire l’expérience d’une union constante avec lui qui dépasse tout ce que nous pouvons vivre avec d’autres personnes. « Ce n’est plus moi qui vis mais le Christ qui vit en moi. » (Galates 2,20) » (Christis vivit, n. 155-156)

Et avec ce ton familier que nous avons appris à bien connaître, le Pape tutoie : « Ne prive pas ta jeunesse de cette amitié. Tu pourras le sentir à ton côté non seulement quand tu pries. Tu reconnaîtras qu’il marche avec toi à tout moment. Essaie de le découvrir et tu vivras la belle expérience de te savoir toujours accompagné. C’est ce qu’ont vécu les disciples d’Emmaüs quand Jésus se rendit présent et « marchait avec eux » (Luc 24,15) alors qu’ils marchaient et parlaient désorientés. » (Christus vivit, n. 156)

Le pape François cite alors un saint évêque, Mgr Oscar Romero : « Le christianisme n’est pas un ensemble de vérités à croire, de lois à suivre, d’interdictions. Il devient repoussant de cette manière. Le christianisme est une Personne qui m’a aimé tellement qu’il demande mon amour. Le christianisme, c’est le Christ. »

Voilà ce que nous entendons aujourd’hui et ce qui me semble résumer le ministère du pape François.

Communiquer Jésus

S’il s’est engagé pour l’écologie intégrale, s’il s’est engagé pour la fraternité posant des actes improbables envers et contre tout, pour sceller des fraternités, c’est tout simplement au nom du Seigneur Jésus dont il a reçu la mission de Le communiquer, comme nous l’avons entendu dans la Première Lecture.

Mais communiquer Jésus, faire découvrir l’amour de Jésus, comment en parle-t-il ? Dans son dernier document « Il nous a aimés », voici ce qu’il dit : « Il ne faut pas penser à cette mission de communiquer le Christ comme s’il s’agissait d’une chose entre Lui et moi seuls. Elle se vit en communion avec la communauté et avec l’Église. Si nous nous éloignons de la communauté, nous nous éloignons aussi de Jésus. Si nous l’oublions et si nous ne nous en préoccupons pas, notre amitié avec Jésus se refroidit. Il ne faut jamais oublier ce secret. L’amour pour les frères de la communauté est comme un carburant qui alimente notre relation amicale avec Jésus. Les actes d’amour envers les frères et sœurs de la communauté peuvent être la meilleure et parfois la seule façon d’exprimer l’amour de Jésus-Christ aux autres. […] Cet amour devient un service communautaire. » (Dilexit nos, n. 212-213)

Le Pape ajoute : « Je ne me lasserai pas de rappeler que Jésus l’a exprimé avec une grande clarté : « Dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Matthieu 25,40) Il te propose de le trouver là aussi, dans chaque frère et chaque sœur, surtout les plus pauvres, les plus méprisés et les plus abandonnés de la société. » (Dilexit nos, n. 213)

Le visage de la miséricorde

Et ce Jésus, pour le Pape, c’est « le visage de la miséricorde ». C’est-à-dire le visage de l’amour gratuit. Il ne cessera de chanter, si je peux dire, cet amour gratuit. C’est pour cela qu’il a ouvert en 2015 le Jubilé extraordinaire de l’amour gratuit qui s’appelle « miséricorde ». À cette occasion, il décrit :

« Nous confierons la vie de l’Église, l’humanité entière et tout le cosmos à la Seigneurie du Christ, pour qu’il répande sa miséricorde telle la rosée du matin, pour une histoire féconde à construire moyennant l’engagement de tous au service de notre proche avenir. Combien je désire que les années à venir soient comme imprégnées de miséricorde pour aller à la rencontre de chacun en lui offrant la bonté et la tendresse de Dieu ! Qu’à tous, croyants ou loin de la foi, puissent parvenir le baume de la miséricorde comme signe du Règne de Dieu déjà présent au milieu de nous. » (Misericordiae vultus, n. 5)

Après avoir exprimé son désir le plus cher, il ajoute : « La miséricorde est le propre de Dieu dont la toute-puissance consiste justement à faire miséricorde. » (Misericordiae vultus, n. 6) Oui, la miséricorde n’est pas un signe de faiblesse, même si des puissants en ce monde la méprisent en la jugeant comme un signe de faiblesse, même si des philosophes ont estimé que c’était une faiblesse. Le pape François nous le dit très clairement : « La miséricorde n’est pas un signe de faiblesse, mais bien l’expression de la toute-puissance de Dieu. » (Misericordiae vultus, n. 6)

Quand l’homme est-il donc fort ? Quand l’homme est-il pleinement un homme ? Quand l’homme est-il arrivé à sa stature d’homme ? Quand il se fait miséricorde ! Quand il est tout entier amour gratuit !

Le Pape François précise : « Dieu sera toujours dans l’histoire de l’humanité comme celui qui est présent, proche, prévenant, saint et miséricordieux. » Il rappellera cette phrase du Seigneur Jésus dans l’évangile : « Soyez miséricordieux comme votre père est miséricordieux. » (Luc 6,36) en en faisant le commentaire suivant : « C’est un programme de vie aussi exigeant que riche de joie et de paix. Le commandement de Jésus s’adresse à ceux qui écoutent sa voix (cf. Luc 6, 27). Pour être capable de miséricorde, il nous faut donc d’abord nous mettre à l’écoute de la Parole de Dieu. Cela veut dire qu’il nous faut retrouver la valeur du silence pour méditer la Parole qui nous est adressée. C’est ainsi qu’il est possible de contempler la miséricorde de Dieu et d’en faire notre style de vie. » (Misericordiae vultus, n. 13)

Le Pape cite ce psaume de la Bible : « Il fait justice aux opprimés ; aux affamés, il donne le pain ; le Seigneur délie les enchaînés. Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles, le Seigneur redresse les accablés, le Seigneur aime les justes, le Seigneur protège l’étranger. Il soutient la veuve et l’orphelin, il égare les pas du méchant. » (Psaume 145,7-9) Il en conclut : « En bref, la miséricorde de Dieu n’est pas une idée abstraite, mais une réalité concrète à travers laquelle Il révèle son amour comme celui d’un père et d’une mère qui se laisse émouvoir au plus profond d’eux-mêmes pour leur fils. Il est juste de parler d’un amour « viscéral ». » (Misericordiae vultus, n. 6)

Le pape François a voulu engager toute l’Église sur la voie de cette miséricorde pour que la miséricorde de Dieu soit tangible. Il a voulu que les fils et les filles de l’Église s’engagent dans les œuvres de miséricorde auprès des plus démunis, des plus faibles, des plus pauvres, des plus exclus, des plus marginaux. Et qu’ainsi, par la médiation des disciples de Jésus, Dieu soit toujours présent dans l’histoire comme Celui qui est proche et miséricordieux.

Le nom de François

Nous le savons, il a choisi le nom de François parce que son voisin, lors du Conclave où il a été élu, lui a dit : « N’oublie pas les pauvres. » Entendant cette phrase, il lui est venu le nom de « François » en référence à saint François d’Assise.

C’est ainsi qu’il termine son dernier chemin de croix par une « invocation conclusive » à la lumière de saint François d’Assise :

« « Louez sois-tu, mon Seigneur », chantait saint François d’Assise. Dans ce beau cantique, il nous rappelait que notre maison commune est aussi comme une sœur. […] Cette sœur crie en raison des dégâts que nous lui causons. » (Laudato si’, n. 1-2) L’engagement pour « l’écologie intégrale » résonne à la fin de ce dernier chemin de croix, 3 jours avant sa mort.

Le Pape poursuit : « « Fratelli tutti« , écrivait saint François d’Assise, en s’adressant à tous ses frères et sœurs, pour leur proposer un mode de vie au goût de l’Évangile. » (Fratelli tutti, n. 1) Voilà l’engagement du pape François pour sceller des accords de fraternité envers et contre tout.

Le Pape continue : « « Il nous a aimés », dit saint Paul en parlant du Christ […] nous faisant découvrir que rien « ne pourra nous séparer » de son amour. » (Dilexit nos, n.1)

Alors, il conclut son dernier Chemin de Croix : « Nous avons parcouru le chemin de croix, nous nous sommes tournés vers l’amour dont rien ne peut nous séparer. Maintenant, alors que le Roi dort et qu’un grand silence descend sur toute la terre, faisant nôtres les paroles de saint François, invoquons le don de la conversion du cœur.

Dieu haut et glorieux, éclaire les ténèbres de mon cœur. Donne-moi une foi droite, une espérance certaine, une charité parfaite et une profonde humilité. Donnez-moi, Seigneur, la sagesse et le discernement pour faire ta vraie et sainte volonté. »

Comment ne pas penser en ce dernier mot de son dernier chemin de croix, trois jours avant sa mort, à sa toute première attitude sur le balcon de la basilique Saint-Pierre de Rome où s’inclinant par l’humilité, il demande que l’on prie pour lui ? De fait, il demandait à recevoir « la sagesse et le discernement pour faire la vraie et la sainte volonté de Dieu ». Amen.

À la fin de la Messe

Dans son testament, le pape François écrit : « J’ai toujours confié ma vie et mon ministère sacerdotal et épiscopal à la Mère de Notre Seigneur, la Très Sainte Marie. C’est pourquoi je demande que ma dépouille mortelle repose, en attendant le jour de la résurrection, dans la basilique papale Sainte-Marie-Majeure. Je souhaite que mon dernier voyage terrestre se termine dans ce très ancien sanctuaire marial où je me rendais pour prier au début et à la fin de chaque voyage apostolique afin de confier en toute confiance mes intentions à la Mère Immaculée et de la remercier pour son attention docile et maternel. »

Le pape François, jésuite, est fils de saint Ignace de Loyola. Ce dernier écrit dans ses Exercices spirituels (n. 299) : « Après sa Résurrection, le Seigneur apparut d’abord à sa Mère. Bien que l’Écriture ne la nomme pas explicitement, elle nous le laisse pour certain. » Cette première rencontre de Jésus ressuscité avec sa Mère peut être célébrée le premier jour après Pâques, le lundi de Pâques.

Comment ne pas penser que le départ du pape François pour la Maison du Père ce lundi de Pâques tôt le matin est comme une signature de Dieu sur sa vie et son ministère ? Confions-le à l’intercession de la Vierge Marie, Mère de l’espérance.

Homélie de Mgr d’Ornellas – Messe en mémoire du pape François